Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

XII



Durant les jours qui suivirent son retour, des Esseintes considéra ses livres, et à la pensée qu’il aurait pu se séparer d’eux pendant longtemps, il goûta une satisfaction aussi effective que celle dont il eût joui s’il les avait retrouvés, après une sérieuse absence. Sous l’impulsion de ce sentiment, ces objets lui semblèrent nouveaux, car il perçut en eux des beautés oubliées depuis l’époque où il les avait acquis.

Tout, volumes, bibelots, meubles, prit à ses yeux un charme particulier ; son lit lui parut plus moelleux, en comparaison de la couchette qu’il aurait occupée à Londres ; le discret et silencieux service de ses domestiques l’enchanta, fatigué qu’il était, par la pensée, de la loquacité bruyante des garçons d’hôtel ; l’organisation méthodique de sa vie lui fit l’effet d’être plus enviable, depuis que le hasard des pérégrinations devenait possible.

Il se retrempa dans ce bain de l’habitude auquel d’artificiels regrets insinuaient une qualité plus roborative et plus tonique.

Mais ses volumes le préoccupèrent principalement. Il les examina, les rangea à nouveau sur les rayons,