Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/28

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ne pas aller souffrir dans une Trappe. Dieu n’eût sans doute pas insisté ; mais, tout en certifiant que la volonté est intacte, il faut bien avouer cependant que le Sauveur y met beaucoup du sien, qu’il vous harcèle, qu’il vous traque, qu’il vous « cuisine », pour se servir d’un terme énergique de basse police ; mais je le répète encore, l’on peut, à ses risques et périls, l’envoyer promener.

Pour la psychologie, c’est autre chose. Si nous l’envisageons, comme je l’envisage, au point de vue d’une conversion, elle est, dans ses préludes, impossible à démêler ; certains coins peut-être tangibles, mais les autres, non ; le travail souterrain de l’âme nous échappe. Il y eut sans doute, au moment où j’écrivais À Rebours, un remuement des terres, un forage du sol pour y planter des fondations, dont je ne me rendis pas compte. Dieu creusait pour placer ses fils et il n’opérait que dans l’ombre de l’âme, dans la nuit. Rien n’était perceptible ; ce n’est que bien des années après que l’étincelle a commencé de courir le long des fils. Je sentais alors l’âme s’émouvoir dans ces secousses ; ce n’était encore ni bien douloureux ni bien clair : la liturgie, la mystique, l’art en étaient les véhicules ou les moyens ; cela se passait généralement dans les églises, à Saint-Séverin surtout, où j’entrais par curiosité, par désœuvrement. Je n’éprouvais, en assistant aux cérémonies, qu’une trépidation intérieure, ce petit trémulement que l’on subit, en voyant, en écoutant ou en lisant une belle œuvre, mais il n’y avait pas d’attaque précise, de mise en demeure de se prononcer.

Je me détachais seulement, peu à peu, de ma coque d’impureté ; je commençais à me dégoûter de moi-même, mais je rebiffais quand même sur les articles de Foi. Les objections que je me posais me semblaient être irrésistibles ; et un beau matin, en me réveillant, elles furent, sans que j’aie jamais su