Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/103

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rouges ; elle va plus resserrée à mesure, se démanchant, se tortillant, grimpant, plantée, çà et là, de vieux réverbères à huile, jusqu’à la navrante et interminable rue de Ménilmontant.

Dans cet immense quartier dont les maigres salaires vouent à d’éternelles privations les enfants et les femmes, la rue de la Chine et celles qui la rejoignent et la coupent, telles que la rue des Partants et cette étonnante rue Orfila, si fantasque avec ses circuits et ses brusques détours, avec ses clôtures de bois mal équarri, ses gloriettes inhabitées, ses jardins déserts revenus à la pleine nature, poussant des arbustes sauvages et des herbes folles, donnent une note d’apaisement et de calme unique.

Ce n’est plus comme dans la plaine des Gobelins une chétivité de nature en rapport avec l’impitoyable détresse de ceux qui la peuplent ; c’est, sous un grand ciel, un sentier de campagne où la plupart des gens qui passent semblent avoir mangé et avoir bu, c’est le coin souhaité par les artistes en quête de solitude ; c’est le havre imploré par les âmes endolories qui ne demandent plus qu’un bienfaisant repos loin de la foule ; c’est pour les déshérités du sort et pour les écrasés de la vie, une consolation, un soulagement qui naît de l’inévitable vue de l’hôpital Tenon dont les hautes prises d’air crèvent le ciel et dont toutes les croisées s’emplissent de