Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/132

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

leur de la bête humaine, la mélodie odorante des bestiaux et des bois.

Mais laissons cela ; aussi bien, je ne veux pas m’occuper des goussets négligés, de l’humanité bestiale, populacière et campagnarde, sans souci d’ablutions et sans moyens de repos, je veux simplement parler de l’exquis et divin fumet préparé par les femmes de nos villes, où qu’elles se trouvent et chauffent, dans un bal, l’hiver, ou dans une rue, l’été.

Moins tamisé par la batiste ou par la toile qui le raffinent en le vaporisant comme fait d’ailleurs le mouchoir de l’essence qu’on y verse, le parfum des bras féminins est moins clarifié, moins délicat et moins pur dans la robe ouverte du bal. Là, l’arôme du valérianate d’ammoniaque et de l’urine s’accentue brutalement parfois et souvent même un léger fleur d’acide prussique, une faible bouffée de pêche talée et par trop mûre passe dans le soupir des extraits de fleurs et des poudres.

Mais, c’est au moment où la Parisienne est la plus charmante, au moment où sous un soleil de plomb, par un de ces temps où l’orage menaçant suffoque, elle chemine, abritée sous l’ombrelle, suant ainsi qu’une gargoulette, l’œil meurtri par le chaud, le teint moite, la mine alanguie et vannée, que sa senteur s’échappe, rectifiée par le filtre des linges, tout à la fois délicieusement hardie et timidement fine !