Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/16

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langée d’exhalaisons de toute sorte, saturée d’une âcre poussière de tapis et de sièges qu’on bat. L’odeur du cigare et de la femme s’accentue ; les gaz brûlent plus lourds, répercutés par des glaces qui se les renvoient d’un bout du théâtre à l’autre ; c’est à peine si la circulation devient possible, à peine si l’on peut apercevoir au travers de la haie touffue des corps un acrobate qui se livre en cadence sur la scène à des exercices de voltige sur la barre fixe.

Un moment, dans le créneau formé par deux bouts d’épaules et par deux têtes, on l’entrevoit, courbé en deux, les pieds arcboutés et cramponnés au bois, accélérant son mouvement de rotation , tournant furieusement sans forme humaine, crachant des étincelles comme ces soleils d’artifice qui virevoltent, en pétillant, dans une pluie d’or ; puis, peu à peu, la musique qui se roule avec lui ralentit sa volute et, peu à peu aussi, la forme du clown reparaît, le rose du maillot tranche sur l’or qui, moins vivement secoué, fulgure par places seulement, tandis que, sur ses pieds, l’homme salue des deux mains la foule.