Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/235

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et déjà le pâtissier se relâchait. L’invariable tapioca était plein de grumeaux et le bouillon était fabriqué par des procédés chimiques ; la sauce des viandes puait l’aigre madère des restaurants ; tous les mets avaient un goût à part, un goût indéfinissable, tenant de la colle de pâte un peu piquée et du vinaigre éventé et chaud. M. Folantin poivra vigoureusement sa viande et sinapisa ses sauces ; baste ! ça s’avale tout de même, disait-il ; le tout, c’est de se faire à cette mangeaille !

Mais la mauvaise qualité des plats ne devait pas rester stationnaire et, peu à peu, elle s’accéléra, encore aggravée par les constants retards du petit mitron. Il arrivait à sept heures, couvert de neige, son réchaud éteint, des pochons sur les yeux et des égratignures tout le long des joues. M. Folantin ne pouvait douter que ce garçon déposât sa boite auprès d’une borne et se flanquât une pile en règle avec les gamins de son âge. Il lui en fit doucement l’observation ; l’autre pleurnicha, jura, en étendant le bras et en crachant par terre, un pied en avant, qu’il n’en était rien et continua de plus belle ; et M. Folantin se tut, pris de pitié, n’osant se plaindre à la pâtissière, de peur de nuire à l’avenir du gosse.

Pendant un mois encore, il supporta vaillamment tous ces déboires ; et pourtant le cœur lui défaillait quand il devait ramasser sa viande tombée dans le fer-blanc, car il y avait des jours