Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/324

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chaque soir, et déposait dans un verre d’eau. Ce matin-là, elle avait commis l’imprudence de tirer ce bout de ratelier de l’eau et de le placer sur le marbre de sa table de nuit où Titi, le chien, l’avait happé, s’imaginant sans doute que c’était un os.

La papetière s’était presque évanouie, en lui voyant broyer le vulcanite, le faux ivoire, les attaches, tout l’appareil. Depuis ce moment, elle pinçait les lèvres de peur de laisser voir les brèches de sa mâchoire, parlait en crachotant de côté, était anéantie par cette idée fixe qu’elle n’avait pas l’argent nécessaire pour combler ses trous. Cette absorbante préoccupation à laquelle se joignait la peur de montrer au notaire les créneaux pratiqués dans ses gencives paralysait ses facultés, la rendait idiote.

La sécheresse de ce vieillard, son verbe impérieux, le mépris dans lequel il ne cessait de la tenir malgré ses frais de toilette achevèrent de la glacer, d’autant qu’elle n’avait même pas douté, un seul instant, d’un accueil sympathique, d’une discussion aimable, d’un assaut de courtoisies réciproques.

— Vous m’avez compris, n’est-ce pas ? ajouta Maître Le Ponsart, s’adressant à Sophie interdite.

Elle éclata en sanglots et Madame Champagne, bouleversée, oublia sa bouche, se précipita vers la