Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/48

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doigts plus noirs ; à part quelques bouchers de Grenelle, quelques ouvriers des tabacs, quelques employés de Ministère, appartenant aux services de la Guerre surtout, toutes les troupes de l’Intendance dominaient, relevant les crocs en bataille de leurs moustaches, essayant des effets de torse, dévisageant les spectateurs d’un air résolu, en gens adorés de la jeunesse féminine du Gros Caillou et de Grenelle, en gens maîtres absolus d’un pays conquis.

Mais, à côté du camp bruyant et gai des fantassins s’étendant de la petite gare devant l’orchestre sous le toit vitré, un autre plus silencieux, plus sombre s’était établi dans le pourtour plafonné de toiles. Là buvaient des détachements de dragons, d’artilleurs et de tringlots, des escadrons entiers de cuirassiers. Leurs pesants costumes et la défense affichée, en plein bal, de danser avec des éperons même mouchetés, leur interdisaient de se mêler aux polkas et aux quadrilles. Ils regardaient d’ailleurs avec dédain l’infanterie et les tabatières, méprisant ces pousse-cailloux et ces fillettes qui n’appréciaient pas leur haute stature, attendant les femmes plus avancées, plus riches d’argent et de vices qui reviennent, à minuit, de l’autre côté de l’eau, afin de retrouver les délices crapuleuses du quartier natal.

— Je danse, s’écria Thérèsa, en se levant. Toi,