Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/52

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troupes, elles atteignirent la porte de la brasserie.

— Ferme bien ton manteau, fillette, dit la mère ; mais le café regorgeait de militaires ; aucune issue n’était libre.

Là, cavalerie et infanterie buvaient pêle-mêle, en masse ; les deux courants distincts du bal se fondaient dans une immense salle, garnie de billards et de banquettes. Des tas de soucoupes et de verres s’amoncelaient sur des tables. Partout étaient fichés des porte-manteaux et des patères auxquels étincelaient des trophées d’armes ; les casques aux plumets pourpre, aux crinières noires des cuirassiers, les casques aux queues vermillon des trompettes, des schakos avec des étoiles de cuivre sous la cocarde, des képis garance, des gibernes, des sabres-baïonnettes, de longues lattes dont les poignées de cuivre et les fourreaux d’acier éclairaient, pendaient partout, au-dessus des sièges ; et, sous le vent des portes qui s’ouvraient, les armes bruissaient, les crinières frissonnaient et sur les cimiers couraient de longues ondulations qui rebroussaient les plumes.

Un brouhaha continu s’élevait dans la vapeur des soupes à l’oignon et des choucroutes ; par instants, des sifflets saccadés de flûtes arrivaient dans le café, en même temps qu’un grondement lointain de caisse.

— Eh ! Léonie.

Les trois femmes se retournèrent ; dans un ren-