Page:Huysmans - Croquis parisiens.djvu/71

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elles vont s’échouer, catarrhales, dans ce quartier que la Bièvre, trempe de ses eaux malades, couleur de cachou et de nèfle. Accroupies, là, depuis les rougeurs de l’aube jusqu’aux fumées du crépuscule, auprès de monstres, vêtues de guenilles, coiffées de marmottes et enterrées jusqu’aux aisselles dans des futailles, elles savonnent à tour de bras, frappent à tour de battoir le linge qui s’égoutte sur la planche.

Vues de dos, quand elles sont enfoncées dans des bouillons d’eau sale, leurs échines font saillie sous le canezou crasseux, des brindilles de tignasse courent à la débandade sur leur peau vernissée comme la pelure des oignons et elles sont là, efflanquées et mornes, abritant leurs chefs moussus sous de vieux parapluies rouges, hurlant comme des louves après les gamins qui les insultent, redressant leur squelette courbé sous la hotte de linge, un poing sur la hanche, l’autre à la bouche, en guise de porte-voix, jetant sur tous ceux qui passent ces gueulées d’injures qui leur ont mérité le surnom de l’argot « les baquets insolents ».