Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/100

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des sens avorta, la bourrasque tant attendue ne vint pas. Elle pensa devenir folle, s’acharna quand même à la poursuite de ces ardeurs qui ne pouvaient éclore ; elle se réfugia dans cette liaison, se forçant à penser à son amoureux, dans ses heures vides, se contraignant malgré elle à vouloir l’aimer.

Alors, elle ne se plaignit plus de son mari qui s’applaudissait de la voir enfin conciliante et douce, mais elle reprocha à sa famille, au hasard, au ciel, la matière dure dont elle était bâtie, l’engourdissement de passion qui la possédait, la trivialité du réel succédant à ses rêves, quand elle se croyait sur le point de les atteindre.

Tout à ses livres sur lesquels il bûchait péniblement sans se satisfaire, confiant en l’honnêteté de sa femme, André ne s’était douté de rien. Il avait fallu sa rentrée hâtive, un soir, pour que l’infamie de son ménage s’étalât devant ses yeux, en plein.

Lorsque son mari apparut brusquement cette nuit-là et surprit auprès d’elle un homme en chemise, Berthe reçu un terrible choc ; elle se tenait encore debout, qu’elle ne savait déjà plus où elle était. Elle s’abattit sur le plancher, tandis que les deux hommes descendaient ensemble. Elle reprit longtemps après connaissance, fut sans force pour se lever, comprit seulement, d’instinct, dans la torpeur qui l’écrasait, que tout s’était écroulé autour d’elle, qu’elle gisait, ensevelie à jamais sous des décombres.

Le matin, elle se hissa, hébétée, le long du lit ; le rappel de son malheur la frappa ; elle sanglota, dé-