Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/114

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Il la retrouva telle qu’il l’avait laissée, fluette et plate d’appas, le nez crochu, les yeux ronds, un signe poilu au-dessus de la lèvre supérieure, le teint rouge sous ses yeux blonds, brunis par le grand air et par la pommade. Elle portait les mêmes bonnets à petits tuyautés, les mêmes rubans poireau et groseille, les mêmes canezous à soutaches, la même broche, enfermant sous verre une photographie de son époux, les cheveux bouffant en ailes de pigeon, la moustache cirée, l’œil roide et faraud, dans sa tenue de sergent de ville.

Elle n’avait ni vieilli, ni engraissé, possédait toujours son entêtement d’Auvergnate, sa quasi-honnêteté dans le carottage, sa joie à faire la cuisine et à ravauder les chaussettes des autres.

Comme jadis elle était incapable de construire un feu, mettait deux petites bûches au fond et un gigantesque billot par-dessus, amoncelait les cendres en tas sous les chenets de façon à empêcher le tirage ou bien elle les ôtait toutes et donnait ainsi à l’âtre un air lamentable de cheminée neuve ! – Elle persistait également à lui râfler tous ses journaux pour couvrir la table et le buffet de l’office, à découper son papier blanc en dents de scie pour l’ajuster en guise de lambrequin sur le manteau de sa cheminée de cuisine, cassait l’anse des tasses, les rafistolait tant bien que mal, de manière que son meure pût croire, en le prenant, qu’il les avait lui-même rompues, brisait les crayons qu’elle chipait sous le prétexte d’inscrire les dépenses, conservait la