Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/123

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Il voyait dans la banlieue qui s’étend autour du Paris pauvre, la maladrerie de la nature, l’hôpital Saint-Louis, des paysages et des sites et de mélancoliques douceurs lui venaient, des apitoiements charitables pour cette nature souffreteuse qui accelérait, avec ses souffles meurtriers, les incurables maux engendrés par la boisson et par la famine.

— Ah ! s’écria-t-il, un soir de grande discussion, un de ces soirs où, énervé par les petits verres, il parlait à flots, ah ! Pantin ! Aubervilliers, Charonne, voilà les quartiers poitrinaires et charmants ! – Eh parbleu, tu n’as pas besoin de me regarder de la sorte ! – Je sais d’avance ce que tu vas me dire ; qu’il n’y a point que ces quartiers-là ! – Mais j’aime aussi les autres, moins, il est vrai, mais enfin je les aime. Oui, j’aime les grands boulevards avec leurs rumeurs de foule, leurs cafés pleins, leur brouhaha de gommeux et de coulissiers et j’en raffole, la nuit surtout, vers deux heures, alors que passe sur l’asphalte la chasse désolée des filles. – Et puis, veux-tu que je te dise, eh bien, moi qui suis réputé être exclusif dans mes opinions, je me crois beaucoup plus éclectique et plus large que toi, car en fin de compte, quelle qu’elle soit, riche ou pauvre, somptueuse ou mesquine, je trouve que la rue est toujours belle ! J’y jouis démesurément, le soir, par exemple, quand étincellent aux flambes du gaz, les lettres d’or collées sur le fronton ou sur les portes vitrées des boutiques. Je les lis, j’apprends le nom du commerçant, je vois qu’il est le gendre et le successeur d’un tel et