Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/125

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usité en pareil cas, le secret contentement du Monsieur qui voit enfin partir de chez lui la femme.

Vue ainsi, la rue est toujours splendide et toujours neuve. Elle regorge, si fanée qu’elle puisse être, d’innombrables délices que bien peu comprennent car les Saintes Ecritures ont raison : la terre est remplie de gens qui ont des yeux pour ne pas voir et malheureusement nous faisons tous plus ou moins partie de ceux-là. C’est qu’il n’y a pas à dire, mon vieux, nous sommes imbibés et saturés de toute une lavasse de lieux communs et de formules ! Il nous faut du pittoresque, des architectures à effet, des rues bizarres avec des clairs de lune, des montagnes et des forêts, il nous faut des sujets de description qui prêtent ! – Ah ! ils m’enquiquinent à la fin, tous ces gens qui viennent vous vanter l’abside de Notre-Dame et le jubé de Saint-Etienne-du-Mont ! ah ça, bien, et la gare du Nord et le nouvel hippodrome, ils n’existent donc pas ! – C’est vrai ça, ils sont un tas de vieux baladins qui vous sortent des enthousiasmes sur commande quand ils parlent des anciennes basiliques ou de ces châlets en pierres de taille qu’ils appellent les merveilles de l’art grec ! Ils en ont plein la bouche ! Eh, qu’ils aillent au diable avec leur Parthénon ! S’ils aiment ce genre de bâtisses-là, qu’ils se plantent au milieu de la place de la Concorde, ils en auront deux de Parthénon, un par devant et un par derrière ; qu’ils s’installent à demeure devant la Bourse, ils en verront un autre encore, égayé pourtant car on a eu le bon sens de lui camper une horloge