Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/156

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d’eau de Cologne qu’il avait apportée par mesure d’hygiène et, avec de douces paroles et de gros baisers, avec des soupirs bruyants et des joies feintes, elle l’avait mis à l’aise et étourdi.

Il descendit ainsi que son camarade de ce bouge, dans la rue, pensant : ce n’est donc que cela ! S’évertuant, malgré tout, à se monter la tête, à s’imaginer qu’ils avaient épuisé des ivresses ardentes. Par bravade, chacun amplifiait le récit de son allégresse. Ils regardaient les passants avec plus de fierté maintenant. Ils étaient des hommes ! Ils affectaient des allures de mauvais sujets, auraient voulu crier leur aventure à tous les gens de la terre et rencontrer un ami, une connaissance pour les mettre au courant de leurs hauts faits ! – Parfois, cependant, une appréhension terrible les tenaillait, celle d’avoir gagné un incurable mal, un mal à vous ravager le cuir chevelu et à vous manger le nez, mais l’enthousiasme qu’ils entretenaient, l’un l’autre, et qu’ils chauffaient à mesure qu’il menaçait de refroidir, les absorbait encore. La désillusion n’apparut vraiment que lorsque, s’étant séparés, chacun était rentré s’étendre sur sa couchette.

André songeait qu’à trente ans sonnés, il était revenu à la passade de ses dix-huit ans ! Après avoir roulé de toutes parts, il était revenu à ses débuts dans l’amour ! – Il payait plus cher, allait dans les cafés convenables au lieu de s’attabler dans des cabarets, mais les consommations étaient les mêmes : toutes laissaient un arrière-goût d’aigre, une soif nouvelle de douceurs propres.