Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/174

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précédée d’une pelouse garnie de rosiers et de reines-marguerites, un réservoir de zinc dans un coin, un perron de quelques marches au milieu, orné de pots de fonte plantés de géraniums-lierres et, posée sur un pliant, sous un arbre épandant un peu d’ombre, sa femme le panier à ouvrage à ses pieds, tricotait près de la petite cousine, assise sur un pliant plus bas, apprenant ses leçons, tendant de temps à autre son livre pour qu’on la fit réciter, ânnonant, répétant quatre fois le même mot, cherchant la suite.

Un grand attendrissement enlaçait André. Comme ces maladies qui avant de s’éteindre complètement ont des revenez-y plus courts et plus faibles, chaque fois, la crise reparaissait encore. La fureur contre sa femme et contre son amant, la douleur, d’abord mélangée à la haine, puis, la dominant et l’absorbant en entier, le regret de la vie familiale perdue, le désir fou de revoir Berthe, tous ces symptômes de la période aiguë ; avait pris fin. André en était aux accidents secondaires. Il éprouvait maintenant ce sentiment lent et triste que procure le souvenir d’une personne chère partie pour jamais au loin. Puis cette languissante et mélancolique fatigue qui naît de l’espoir absolument irréalisable et impossible se dissipait aussi et alors, dans l’esprit arrivé à son point mort, resté pendant une minute immobile et inerte, bourdonnait comme un bruit confus un affreux bavardage, traversé soudain par un son aigre furieusement répété, perçant comme une note d’harmonica,