Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/182

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clignotait, perdant ses maigres rayons dans la nuit de la pièce.

Tout mélancolisé, Cyprien se livrait à ses méditations, arrangeant dans les chambres bien closes, gaiement éclairées par une lampe, de paisibles existences douillettement vautrées sous des édredons, des couples bourgeois dormant, derrière contre derrière, soufflant des pois, chantant du nez sous les couvertures, puis il imaginait devant les ténèbres des pièces, des désordres de gens pas encore rentrés, s’attardant dans les estaminets, prolongeant la veillée pour se trouver le plus tard possible seuls avec eux-mêmes, dans des chambres pauvres.

— Baste, fit-il, tout à coup, ramené à l’idée que son ami avait accompagné une femme, par la vue d’une croisée ouverte à un premier étage, garnie d’un rideau de mousseline brochée derrière lequel s’apercevait le globe d’une lampe et un bout de visage, vieux et gras, faisant la fenêtre ; voilà l’heure où André entre dans un logis qu’il ne connaît point. La femme ôte son manteau et dit : mets-toi à l’aise, mon chéri. – Je vois la scène d’ici – Blanche embrassant son chat ou son chien pour montrer qu’elle a du cœur, André à moitié déshabillé, contemplant, appuyé sur la console, entre les deux croisées, le déballage du corset et des jupes et constatant qu’il est volé ; Blanche s’approchant de lui, en chemise, le dandinant dans ses bras, la tête un peu renversée, les yeux mi-clos, la bouche plissée en cul de poule, murmurant sur un ton de flûte : tu vas me faire bien riche,