Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/206

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rien. Petit à petit, à force de se raisonner, il se décida cependant à ne pas se remettre avec Jeanne. Il bâcla une lettre dans ce sens et il la regretta dès qu’il l’eût jetée à la poste. Son camarade l’informa par le retour du courrier, qu’il était trop tard, que l’adresse était parvenue. Alors André éprouva un soulagement. – C’était fait, tant pis ou tant mieux, il n’y pouvait plus rien. – Et puis, après tout, à quoi l’engageait ce retour de Jeanne ? Devait-il donc en résulter nécessairement une reprise charnelle ? Eh oui ! se cria-t-il, oui, ce n’est pas la peine de me blouser, je suis fichu si je la revois !

Il oublia de boire son café que Mélanie lui apporta, au salon, stupéfiée par l’attitude agitée de son maître. – Ah j’étais si tranquille, se disait-il par moments ! Quelle misère, bon Dieu ! Que d’être aussi faible. – Il ne pensait plus maintenant qu’à Jeanne ; elle s’imposait à lui, ne le quittait plus, à table, dans les rues, au lit.

Une dernière bataille s’engagea néanmoins, le lendemain matin. Plus d’aplomb, plus froid, il avait adopté l’héroïque résolution de ne plus mêler à son existence celle d’une femme, lorsque le concierge lui monta une lettre.

Alors ce fut fini ; son courage échoua. L’écriture qu’il reconnaissait entre toutes, indistincte, barbouillée, dansant follement, avec des queues et des croches ajoutées aux lettres, l’anéantit. Il lut, tout secoué :