Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/219

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— Tu me trouves changée, fit-elle, en dépliant sa serviette ?

— Mais non, tu es toujours la même !

— Comme toi. Tu es mieux, cependant ; les cheveux courts te vont bien – dans le temps, tu avais l’air pauvre, avec tes grands cheveux qui te couvraient l’oreille.

Il se mirent à rire tous les deux, et la veuve Laveau les imita, poliment.

Le garçon de restaurant reparut.

Pendant qu’elles épelaient la carte, André jeta un coup d’œil sur cette veuve qu’il aurait voulu pouvoir envoyer coucher. Elle le gênait, avec sa figure grave, sa réserve silencieuse, son filet de rire. Elle lui déplut, mais elle lui sembla d’une perversion problématique. Cyprien est absurde, pensa-t-il, et il contempla cette grande femme solidement râblée, mais de mine bonasse et simple, s’imaginant qu’elle devait avoir d’humbles et robustes amours qui lui coûtaient cher.

— Alors, pas de potage ? disait le garçon que les hésitations des deux femmes ennuyaient.

— Non, servez-nous tout de suite des grives.

Le garçon fut surpris.

André pensa que Jeanne désirait lui montrer qu’elle se nourrissait bien ; il commanda, à son tour, un mazagran.

La conversation reprit. André dévisagea la petite tendrement et, les coudes sur la table, il lui dit :