Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/224

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descendait plus épaisse maintenant, les pavés gluaient. Jeanne, dont les hauts talons clignaient était obligée de s’appuyer de tout son poids sur le bras d’André.

— Je te fatigue, hein ?

— Toi, mais pas du tout, et il lui pinça tendrement le bras.

— Tiens, eh bien mais, nous voilà dans la rue de Rivoli, reprit André ; ils débouchèrent, en effet, d’une ruelle noire, en face de la rue de la Tacherie.

Il proposa d’entrer dans un café pour qu’elle pût se reposer et boire quelque chose de chaud, et il regarda autour de lui, espérant trouver une brasserie peu achalandée, sans vacarme de billards et de jackets et, tout en cherchant, il s’engagea dans la rue qui longe le chantier de construction de l’Hôtel de Ville. Un triste café, représentant à lui seul tout le mortel ennui d’une province, était là. André glissa un coup d’œil entre deux rideaux mal joints mais les vitres embuées pissaient ; il ne vit rien ; il écouta et n’entendit aucun bruit ; il pensa que la salle était déserte, tourna le bec de cane d’une petite porte et entra.

Quatre personnes buvaient des mazagrans devant une table ; le garçon en buvait un autre dans un coin ; et au centre d’un comptoir, une femme dormait, devant une tasse. André fut enchanté de ce lieu placide et il commanda deux grogs.

Voyons, se dit-il, avec tout cela, je ne sais pas encore à quoi m’en tenir sur les intentions de Jeanne.