Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/227

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— Mais toi, reprit-il, pourquoi ne me recevrais-tu pas puisque ton amant n’est pas à Paris ?

— Pourquoi ? – Mais parce qu’Emilie et son amant sont très souvent chez moi, parce que je suis surveillée par eux et par ma portière ; parce qu’enfin je suis obligée de ménager dans mon quartier un tas de monde !

André était vaincu, Il garda le silence pour ne pas avouer sa défaite tout de suite.

Ils quittèrent le café. Le brouillard s’était un peu dissipé, mais le froid piquait. Séparé d’eux par un mur de palissades criblé d’affiches, un monstrueux treillis de madriers et de planches se dressait, toute la haute carcasse de l’Hôtel de Ville en construction, et cela escaladait la brume, montait comme un palais à jour dans le ciel, plus imposant, plus superbe, plus grand, que la bâtisse de pierre autrefois détruite. André songea vaguement à ces terribles eaux-fortes de Piranèse où d’énormes monuments s’élèvent dans un effroyable chaos d’échafaudages – puis, il sourit, voyant la lune remuer là-dedans, comme enfermée dans une gigantesque cage, grillée par de formidables poutres.

Il montra la lune à Jeanne qui leva le nez vers elle, puis le baissa, sans rien dire, et ils marchèrent, silencieux et mécontents, lui vexé d’être ainsi réduit ; elle, ennuyée par ces débats et par ces contraintes.

— Prenons là, dit-elle, car il est tard et il faut que je rentre chez moi.