Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jeunes filles, insignifiante ; elle jouait du piano, copiait des Boucher et des Greuze sur des fonds d’assiettes, possédait avec cela une grâce apprêtée chez elle, une distinction pincée au dehors ; somme toute, elle pouvait être sortie, sans honte, gardée chez soi, sans lassitude. C’est égal, il avait été bête ! Elle avait des yeux noirs, allumés dans le fond, les yeux d’une maîtresse, qui, jadis, l’avait prodigalement trompé. Il aurait dû se défier, savoir que, lorsqu’on est décidé à accoler son nom à celui d’une autre, sous le grillage d’une mairie, on devrait avoir pu jauger la parfaite capacité de sottise ou la profonde inertie des sens de celle qu’on épouse ! et, debout, les poings serrés, il souffrait, pensant a sa femme, s’étonnant de n’avoir pas découvert, dans certains plis de visage, dans certains mots, les tempêtes qui couvaient sous son calme froid.

Maintenant, il hésitait sur le parti qu’il fallait prendre. « J’ai évité un scandale dans la maison, c’était l’important, » disait-il. « Si je retourne près de ma femme, je vais subir des averses de giries et de pleurs et je serai peut-être encore assez naïf, dans ce cas-là, pour lui pardonner ! Ou bien, je devrai écouter d’invraisemblables excuses ou des insolences, je ne pourrai faire autrement alors que de l’étrangler. Les deux rôles sont également stupides. D’un autre côté, ne rien dire, rester, c’est un enfer, c’est le feu aux poudres à un moment donné, c’est, un jour, à table, devant une bonne, la révélation forcée de nos haines, c’est la réunion, le lendemain, de