Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/262

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roman commencé apparaissait dans une perspective lointaine et magnifique. Il disait : « Ah ! tout de même ! » ; – puis comprenant que le livre exécuté à grand-peine, serait forcément inférieur à celui qu’il avait rêvé, il retombait dans ses premières tristesses, se répétant comme excuse : aujourd’hui, je ne suis pas en veine, nous verrons plus tard.

Et cet aujourd’hui, c’était demain, c’était après demain, c’était des semaines et c’était des mois, à force d’attendre, il avait perdu le profit de la mise en train qu’il avait acquise, une fois installé dans son ménage.

Et puis… et puis… il s’était marié. Il fréquentait, déjà peu le monde. Ce mariage l’avait forcé à rompre toutes relations avec les gens qui auraient pu lui donner un coup d’épaule et lui venir en aide. La peur que son cocuage ne fût sur de tout le monde, la honte d’expliquer par un mensonge qui amènerait des sourires sur les lèvres des autres, la séparation effectuée entre sa femme et lui, le retenait encore. Il avait abandonné le bénéfice des labeurs accomplis au temps où il tâchait dans les maisons de passe de la presse. Il était caserné dans un trou, oublié ; il s’était fermé par son abstention toutes les portes, il ignorait aujourd’hui les signaux d’entrée et les mots d’ordre. La difficulté de mettre la main sur un éditeur, difficulté qui, bien que ses premiers livres se fussent mal vendus, était presque éloignée à un moment, s’il avait persisté à demeurer sur la brèche, s’imposait comme à ses débuts. À sa paresse instinctive,