Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/276

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tenir Jeanne. Il ne gagnait pas un sou avec sa plume et Mélanie dévorait, en carottage et en cuisine, ses maigres rentes. Plusieurs fois déjà, il était demeuré sans le sou, aux approches du terme. Les quelques avances d’argent qu’il possédait au moment de sa rupture avec Berthe avaient été mangées en dépenses de meubles et de linges, en frais de déménagement et d’installation. Actuellement, c’était dans sa maison une véritable gabegie, un vrai pillage ; chacun tirait à soi et le plus âpre encore était le mari de la bonne qui emportait les gilets et les chaussettes, dévorait des argents fous en achat d’eau seconde et de cire, aidait à vider les bouteilles de vin et empêchait l’eau-de-vie de vieillir dans les armoires.

Tous les matins, Mélanie réclamait vingt francs. André se cabrait, déclarait qu’il ne pourrait pas continuer ainsi, qu’elle devrait n’importe comment restreindre la marche de son ménage et elle, de son côté, répondait que c’était impossible, que la vie était hors de prix, qu’elle dirigeait la maison au meilleur compte. Il n’y avait plus qu’à se taire ou à congédier la bonne. Forcément il la gardait, redoutant la débâcle de son existence.

Toutes ces raisons qu’André débita à Jeanne pour s’excuser de sa réelle impuissance à l’assister ne produisirent aucun effet.

— Renvoie Mélanie qui te vole comme dans un bois, dit– elle ; et légèrement, petit à petit, elle insinua, comme jadis, qu’ils pourraient vivre plus économiquement, en se mettant en ménage ensemble.