Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/305

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Alors Cyprien jeta des cris de Merlusine. L’odeur seule de cette drogue lui retournait l’estomac. Mélie dut, un matin, après avoir soigneusement battu l’huile dans du café tiède, enfourner le tout dans la bouche du peintre, qu’elle effara, en le réveillant en sursaut par des cris de pie. Il jura, sacra comme un bouvier, l’interpella violemment, l’envoya à tous les diables, puis il avoua qu’elle avait eu raison d’agir ainsi, et il consentit, résigné, souriant aux joues gonflées et aux lèvres en rosette de Mélie soufflant sur le bol pour le refroidir, à s’abreuver de bouillon aux herbes, à s’ingurgiter, jusqu’à plus soif, des potées d’eau verte.

Tant qu’il ne put se lever, elle demeura près de lui, du matin au soir, causant, ravaudant, lisant des livraisons illustrées à deux sous, superposant les histoires jadis clabaudées dans sa propre maison sur tous les cancans débités dans celle du peintre. Son zèle ne s’amortissait pas et sa vaillance et sa belle humeur réconfortaient le peintre qui s’épeurait au plus léger mal et se croyait perdu.

— Quand on veut quelque chose, on le veut, disait-elle ; moi je serais paralysée que je soulèverais quand même mes jambes avec ma tête, – et elle se tapait carrément sur le front avec son dé.

Dure pour elle-même, ayant dans le sang du salpêtre qui lui secouait la graisse, elle était cependant molle pour les autres, émues par leur moindre bobo, par leur moindre peine.

Lorsque les maux d’oreilles de Cyprien s’alentirent et