Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/307

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siècles. – Et il se sentait une certaine colère, une certaine jalousie, pour les soins de garde-malade qu’elle allait sans doute prodiguer à de vieux amants. Son dépit amoureux ressemblait à cette sorte de rancune qui prend un malade, dans un hôpital, lorsqu’il voit le médecin l’examiner à peine et se préoccuper longuement des autres.

Il ne pouvait reprocher à Mélie, cependant, de ne pas lui donner la préférence puisqu’elle ne le quittait guère et témoignait, d’ailleurs, peu d’empressement à sortir. Elle examinait la pendule en fronçant le nez, attendant la dernière minute, se lissant les cheveux de mauvaise grâce, murmurant tout en arrangeant ses gants percés au bout des doigts : – Oh ! ils sont bien bons ! – Puis elle baissait sa voilette et, jetant un dernier coup d’œil sur la chambre, couvrait le feu de cendres, préparait tout pour que Cyprien ne souffrît pas de son absence.

Habitué au va-et-vient d’une jupe s’accrochant dans les pieds de chaises, aux encouragements jetés à la maladie, à l’échange des propos dont l’insignifiance disparaît pour les gens souffrants, Cyprien se jugeait horriblement malheureux lorsqu’il était seul. Sa chambre devenait morne et il regardait à son tour, attristé, les aiguilles de la pendule, écoutant le tic-tac du balancier pour s’assurer qu’il n’arrêtait point. Comme le temps est long, disait-il, et il éprouvait une réelle joie lorsqu’au bout de deux heures, il entendait le pas d’éléphant de Mélie ébranler les marches.