Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/320

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tous les autres du reste, puisque chacun dans cet adorable Paris contient une saveur qui lui est propre ; je suis satisfait de voir que je n’ai pas prêché dans le désert et que tu crois à mes théories maintenant !

— Tiens, regarde-moi cela, dit-il tout à coup en arrêtant son ami devant une devanture de harnacheur pleine de grappes d’étriers, de gourmettes, de mors, de rangées d’éperons à cheval sur un coussin de bois, dressant leurs tiges, faisant étinceler leurs mignonnes étoiles d’acier et de cuivre. Hein ? quel coup d’œil ! murmura-t-il, ravi par ce métal qui jetait ses froides clartés sur le noir mat des œillères, sur le havane des peaux de selle, sur le thé clair des brides ! Et il se posa le nez sur les vitres, caressant des yeux les rangées de cravaches à pommes, couchées en une haie renversée sur deux tringles, examinant, au loin, dans l’arrière-boutique, le réjouissant bidet empaillé et cousu dans une peau couleur de café au lait.

Ce serait régalant à peindre, soupira-t-il, et, tout en marchant, il poursuivit :

— Est-ce que tu n’estimes pas comme moi qu’un peintre de nature morte, qui aurait du talent, devrait choisir pour sujet, au lieu de ses éternelles fleurs et de ses éternelles huîtres, des monstres de commerçants, celle de l’épicier qui est là, par exemple, avec ses bouteilles, ses gerbes de macaronis, ses paquets colorés, ses pots, ou bien encore, ces intérieurs de carrosseries magnifiques remplies de voitures aux caisses sombres, aux moyeux chatoyants comme des pièces