Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/349

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dans un bol d’eau, du sel gris et de la farine dans des pots à confiture, enfin, près d’un pilon de bois et d’une râpe contenant encore des copeaux de gruyère, une petite bouteille noire avec cette étiquette : « L’arôme des potages, manufacture d’oignons brûlés à Romainville. »

À force de chercher, ils trouvèrent pourtant dans un tiroir, où leurs doigts se mêlaient et où les bagues de Berthe pétillaient dans l’ombre, plus vives, d’infectes mouchettes trempées d’huile, au milieu d’un paquet déficelé de laurier et de thym.

— Tiens, dit André, ravi de l’excessive malpropreté de ces mouchettes, avais-je raison d’accuser ma bonne, tu peux voir par toi-même si elle est sale ?

Berthe ne répondit pas ; elle arrangea prestement la lampe ; voilà qui est fait, dit-elle. et elle retourna dans le cabinet de toilette pour se laver les mains.

Alors, tandis qu’elle se frottait lentement les doigts de mousse, André, debout derrière elle, suivit le mouvement des bras dont le va-et-vient faisait onder l’étoffe de la robe dans le dos et se mourait en un léger frisson le long des hanches, et de grands désirs lui vinrent.

Depuis le départ de Jeanne ses amours étaient coûteuses et avec cela privées de cet appétit qui rend suffisantes les plus médiocres des voluptés et des pâtures. Un désir bête l’occupa de savoir si rien n’était changé chez Berthe ; puis l’existence menée après leur rupture, la liaison renouée avec Jeanne l’avaient comme modifié. Il était devenu moins timide, moins respectueux, plus