Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/35

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Nous, nous nous estimons heureux quand nos convoitises se bornent à n’être pas satisfaites ! Nous sommes les gens qui nous contentons à peu près. Lorsque nous ne recevons pas de tuiles sur la tête, nous sommes pleins de joie, et c’est miracle pourtant quand avec un idéal aussi court il ne nous tombe pas sur la caboche de formidables gnons !

André l’approuvait d’un geste navré.

— Si je vidais ma malle, finit-il par dire, nous pourrions ensuite déjeuner et je commencerais mes courses.

Cyprien opina du bonnet et sortit pour chercher des victuailles.

André se mit à déballer son linge. Il ressentait le vague accablé, la brouille de cervelle d’un individu qui, après avoir été presque assommé, reprend connaissance. Il rangea ses chemises sur une table, réunit ses livres et il lissait leurs couvertures avec la main, dépliait leurs cornes, défripait les feuilles froissées par le voyage.

— En voilà un qui a joliment ennuyé ma femme, pensait-il ; quant à celui-là, je ne le lui ai même as prêté, quel chef-d’œuvre ! – Et il se promettait de le lire, se reprochait d’avoir si longtemps négligé son art. – Ah ! bien, elle en avait des moues, le soir, lorsqu’il voulait travailler ! – Et il frissonnait, songeant à cette moue qui ridulait si joliment le coin des lèvres. Il jeta le reste de ses volumes, en tas, ne voulant plus voir leurs titres, tentant d’échapper aux souvenirs qui lui revenaient, un à un, à