Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/43

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lements furieux de viandes sautées dans la poêle, de biftecks jutant sur un gril, de subites vapeurs rouges, de fétides fumées bleues arrivaient par moment. De sourdes disputes, des voix brèves de patrons ahurissants leurs domestiques, s’entendaient à toute minute.

Une servante fluette, pâle, la mine douloureuse et idiote, vacillait, minée par d’inépuisables fleurs blanches. Une autre, trimbalait de la cuisine à l’office et de l’office à la cuisine des piles d’assiettes, avait l’air somnambulesque, ne semblait pas se rendre compte de l’importance de la tâche qui lui était confiée.

André commençait à s’impatienter ; on ne lui apportait toujours pas sa soupe. Il était las de regarder ces gens qui l’entouraient ; tous se connaissaient ; il était tombé dans une sorte de pension de famille, dans un râtelier où s’empiffrait un monde étrange. Il y avait des groupes discrets, causant à mi-voix, étouffant leur rire derrière leur serviette ; il y en avait des hâbleurs, débagoulant, tout haut, des plaisanteries massives, accaparant l’attention avec leurs ébats.

Très familier avec ses clients, le patron se rigolait, criant : Ah ! elle est bien bonne ! hurlait, avec calme, soudain : un fricandeau au jus, un filet sauce tomate, un !

André avalait le vermicelle qu’on s’était enfin décidé à lui servir. À sa gauche, deux commères, piochaient dans un plat de tripes, puisaient dans une queue de rat et vidaient des verres. Les coudes sur la table, elles se faisaient de mutuels salamalecs pour