Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/73

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Ce vin-ci, eh bien, ce ne serait du pommard que si on le dégustait chez soi, dans un profond fauteuil et dans un joli verre. Ici, c’est du château-vélisy, c’est du saint-clamart qui a trois ans de bouteille et voilà tout ! Ah ! vois-tu, demander dans un restaurant du vin intime comme celui-là, descendre même plus bas, si tu veux : trier les mâcons et les beaujolais et pitancher des thorins ou des moulin-à-vent, c’est tout bonnement absurde ! Nous aurions dû solliciter de la piquette de lieu public, du vin qui se boive avec des courants d’air dans les jambes et des fracas d’assiettes sur la tête, du champagne, enfin ! Oui, il faut laper dans les gargottes en renom, des boissons qui vous donnent envie de quitter la table avant le café, ne pas savourer du faux bien-être qui vous endorme les jambes et vous attache à votre chaise. Sans cela, c’est un contresens.

— Baste, après tout, reprit-il en examinant son ami qui ne l’écoutait pas, retombé qu’il semblait être dans ses pensées noires ; nous nous sommes simplement trompés, et il ajouta en s’enfournant une bouchée de poisson qui sentait le linge :

— C’est égal, il y a des gens bienheureux. À table et au lit, ils obtiennent, en guise de fourniture et de réjouissance, en plus de ce qui leur est dû, un peu d’illusion ! Nous, rien du tout. Nous sommes les malheureux qui allons éternellement chercher au-dehors une part mesuré de fricot dans un bol ! Au fond, ce n’est pas réjouissant ce que je dis là. Mais