Page:Huysmans - En menage - ed Fasquelle 1922.djvu/92

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André. – Berthe, donne-nous donc une bouteille ; elle doit être là, dans le bas du buffet, sur la deuxième planche.

Elle se leva de mauvaise grâce.

— Je n’en vois pas, dit-elle.

— Mon Dieu ! fit André impatienté, je te dis, là, tiens, derrière le cognac.

Elle atteignit enfin un litre blanc. Ils le débouchèrent, c’était de l’eau-de-vie de marc.

Cette fois, elle se releva avec une mine si appesantie et si quinteuse que Cyprien dut s’écrier :

— Madame, je vous en supplie, ne vous donnez pas cette peine.

Exaspéré, André s’était vivement désassis, et il avait pris, là où il le désignait, un flacon de kirsch. Ils en burent un petit verre, puis Cyprien s’excusa de ne pouvoir rester plus longtemps. Berthe garda son attitude impassible, n’eut même pas la politesse de le retenir et il quitta la place, harassé et le ventre vide.

Une fois la porte fermée, la scène éclata, terrible ; André secoua sa femme d’une rude façon ; elle adopta le parti des syncopes et des larmes. Il finit par demeurer penaud, craignit d’être allé un peu loin, ramassa sa femme, l’embrassa, lui adressa presque des excuses.

À partir de cette soirée-là, la lutte s’accentua.

Berthe ne pardonna jamais à son mari de l’avoir traitée comme une enfant qui est malheureusement trop grande pour qu’on la puisse encore fouetter ; elle avait cependant touché ce but si ardemment poursuivi