Page:Huysmans - En rade.djvu/115

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certitude. Absence d’énergie, curiosité trop aiguë pour qu’elle ne s’écachât pas aussitôt ; manque de suite dans les idées, faiblesse du pal spirituel promptement tordu, ardeur excessive à courir par les voies bifurquées et à se lasser des chemins dès qu’on y entre, dyspepsie de cervelle exigeant des mets variés, se fatiguant vite des nourritures désirées, les digérant presque toutes mais mal, tel était son cas.

À se rouler ainsi dans la poussière des temps, il avait goûté de délicieuses heures, mais depuis que les prévoyances de Louise s’étaient dispersées, usées par la lime des nerfs, il était demeuré consterné, sans défense contre les soucis d’argent qui glaçaient ses emballages de cervelle et le rejetaient brutalement dans les inextricables réseaux de la vie réelle.

Et maintenant qu’il n’avait plus d’argent du tout, que serait-ce donc ? — Il hocha désespérément la tête ; c’est la déchéance morale et physique, la misère complète, se dit-il, et il se complut à s’exagérer l’horreur de l’avenir, allant du coup à la mendicité, au manque de pain, à l’hospice pour sa femme, à la gueuserie des bas-fonds pour lui.

Comme il arrive toujours aux gens malheureux et inquiets qui sautent d’un élan jusqu’aux extrêmes et éprouvent même une certaine conso-