Page:Huysmans - En rade.djvu/121

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

contre le mari qui n’avait pas su garer la barque ; elle s’étonnait même d’avoir pu s’imaginer qu’elle n’avait pas le droit d’imposer ses volontés, de parler haut. En somme, cette fortune lui appartenait depuis le mariage. Si elle n’avait apporté à Jacques aucune dot, elle lui avait aliéné du moins les biens de son sexe et quelles largesses étaient de poids à les payer, ceux-là ! Quoiqu’elle ne fût ni éprise d’elle-même, ni assotie par l’orgueil, elle pensait forcément, ainsi que toutes les femmes, que la possession de son corps était un inestimable don ; comme toutes les femmes encore, épouses, filles ou maîtresses, elle pensait aussi que le mari, le père ou l’amant avait été mis sur la terre pour subvenir aux besoins de la femme, pour l’entretenir, pour être, en un mot, sa bête à pain.

Puis, n’était-elle pas enviable et jolie quand il l’avait épousée, n’avait-elle pas été la dispensatrice de nuits folles, et n’avait-elle pas été constamment aussi attentive aux souhaits de Jacques, vigilante et douce ? En fin de compte, elle avait fait, en se mariant, un marché de dupe, car il l’avait frustrée ; il lui avait volé par son insouciance sa vie heureuse et criminellement aggravé les transes de sa maladie par le menaçant aspect de la misère !

Ah ! si c’était à refaire, comme elle ne se marie-