Page:Huysmans - En rade.djvu/28

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Il se leva, se secoua les épaules, s’expliquant ce frisson par la permanente humidité, par l’imperméable froid de cette pièce.

Il contempla sa femme ; elle était étendue, décolorée, sur le grabat, les yeux mi-clos, vieillie de dix ans par la brusque détente de ses nerfs.

Il alla visiter les portes ; les pênes ne marchaient pas et, malgré ses efforts, les clefs s’entêtaient à ne point tourner ; il finit par adosser une chaise contre la porte d’entrée pour empêcher le battant de s’ouvrir, puis il revint à la fenêtre, sonda les ténèbres des vitres et, harassé d’ennui, se coucha.

Le lit lui parut rugueux et le traversin aiguillé par des barbes trop pointues de paille ; il se tassa dans la ruelle, afin de ne pas éveiller sa femme qui s’assoupissait, et, à plat sur le dos, il examina avant que d’éteindre la bougie, le mur de l’alcôve, tapissé comme ceux de la chambre de papier treille.

Il s’appliquait à engourdir ses angoisses par des occupations mécaniques et vaines ; il compta les losanges du panneau, constatant avec soin les morceaux rapportés du papier de tenture dont les dessins ne joignaient pas ; soudain un phénomène bizarre se produisit : les bâtons verts des treilles ondulèrent, tandis que le fond saumâtre du lambris se ridait tel qu’un cours d’eau.