Page:Huysmans - En rade.djvu/85

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dont les yeux brillaient et dansaient, en quelque sorte, dans leurs capotes sillonnées de rides, détaillait avec complaisance les bienfaits des riches. Là, chez le meunier de Tachy, il y avait toujours une bouteille et une croûte et souvent du fricot de la veille qu’on lui gardait ; au château de Sigy c’était mieux encore ; le jardinier lui offrait de la salade et des fruits, et la dame veillait elle-même à ce qu’il mangeât un morceau et ne partît jamais le gosier sec ; tout le monde l’aimait au reste, parce qu’on savait à qui l’on avait affaire — puis qu’en repartant pour Paris, l’on pensait à sa petite famille, car il avait deux enfants, et c’est point dans le métier de facteur qu’on se fait du bien.

Fatigué par ce verbiage, Jacques songeait, en repliant sa lettre, à ses tracas qui allaient croissant. Un ami, qui s’était chargé de surveiller ses affaires dans la capitale, lui écrivait une lettre inquiétante.

Certitude maintenant affirmée de ne rentrer dans aucun fonds ; ses créanciers unis pour préparer la saisie de ses meubles ; d’autre part, refus du Crédit Lyonnais d’escompter des billets qu’il espérait convertir en argent liquide.

— Ça va mal, se dit-il.

— Allons déjeuner, fit Louise qui l’observait.

— Eh bien ! reprit-elle quand ils furent seuls, que t’écrit Moran ?