Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/117

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logue admirable, une Sainte qui a vérifié sur elle-même les phases surnaturelles qu’elle a décrites, une femme dont la lucidité fut plus qu’humaine, sainte Térèse. Vous avez lu sa vie et ses « châteaux de l’âme » ?

Durtal fit signe que oui.

— Alors, vous êtes renseigné ; vous devez savoir qu’avant d’aborder les plages de la Béatitude, avant d’arriver à la cinquième demeure du château intérieur, à cette oraison d’union où l’âme est éveillée à l’égard de son Dieu et complètement endormie à toutes les choses de la terre et à elle-même, elle doit passer par les plus lamentables aridités, par les plus douloureuses épreintes ; consolez-vous donc ; dites-vous aussi que les sécheresses doivent être une source d’humilité et non une cause d’inquiétude ; faites enfin comme le veut Sainte Térèse, portez votre croix et ne la traînez pas !

— Elle m’épouvante cette magnifique et terrible Sainte, soupira Durtal ; j’ai lu ses œuvres, eh bien, savez-vous, elle me fait l’effet d’un lys immaculé, mais d’un lys métallique, d’un lys forgé de fer ; avouez que ceux qui souffrent n’ont que peu de consolations à attendre d’elle !

— Oui, en ce sens qu’elle ne s’occupe pas de la créature, hors de la voie mystique ! Elle suppose les champs déjà défrichés, l’âme déjà affranchie des plus fortes tentations et à l’abri des crises ; son point de départ est encore trop haut et trop éloigné pour vous, car elle s’adresse, en somme, à des religieuses, à des femmes cloîtrées, à des êtres qui vivent hors le monde et qui sont par conséquent déjà avancés dans les routes ascétiques où Dieu les mène.

Mais, sautez, par l’esprit, au-dessous de vos boues ; re-