Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/142

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en les admirant, vers les phénomènes de la mystique. Non, cela m’intéresse à regarder chez les autres ; je veux bien voir cela de ma fenêtre, mais je me refuse à descendre ; je n’ai pas la prétention de devenir un saint ; tout ce que je désire, c’est atteindre l’état intermédiaire entre le bondieusardisme et la sainteté. C’est un idéal affreusement bas, mais, dans la pratique, c’est le seul que je me crois capable d’atteindre, et encore !

Puis, allez donc vous frotter à ces questions ! Si l’on se trompe, si l’on obéit à de fausses impulsions, on côtoie la folie, dès qu’on s’avance. Comment, à moins d’une grâce toute particulière, savoir si l’on est bien dans le chemin ou si l’on ne se dirige pas dans la nuit, vers les abîmes ? Voici, par exemple, les entretiens de Dieu avec l’âme qui sont si fréquents dans la vie mystique ; eh bien, comment être sûr que cette voix intérieure, que ces paroles distinctes que l’on n’entend pas avec les oreilles du corps et qui sont perçues par l’âme d’une façon beaucoup plus claire, beaucoup plus nette que si elles lui arrivaient par les conduites des sens, sont véridiques ? Comment s’assurer qu’elles émanent de Dieu et non de notre imagination ou du diable même ?

Je sais bien que sainte Thérèse traite longuement cette matière dans ses « Châteaux intérieurs » et qu’elle indique les signes auxquels on peut reconnaître l’origine de ces paroles ; mais ses preuves ne me paraissent pas toujours si faciles qu’elle le croit à discerner.

Si ces phrases viennent de Dieu, dit-elle, elles sont toujours accompagnées d’effet et portent avec elles une autorité à laquelle rien ne résiste ; ainsi une âme est dans la peine et le Seigneur profère simplement