Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/152

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de ses lignes, la résonance de son coloris, l’éclat de son métal martelé avec l’art barbare et charmant des bijoux Goths ; il entendait sous la robe plissée des sons palpiter l’âme naïve, l’amour ingénu des âges et il observait cette nuance curieuse chez les Bénédictines : elles finissaient les cris d’adoration, les roucoulements de tendresse, en un murmure timide, coupé court, comme reculant par l’humilité, comme s’effaçant par modestie, comme demandant pardon à Dieu d’oser l’aimer.

Ah ! vous avez eu bien raison de m’envoyer là, dit Durtal à l’abbé quand il le vit.

— Je n’avais pas le choix, répondit, en souriant, le prêtre, car l’on ne respecte le plain-chant que dans les abbayes soumises à la règle Bénédictine. Ce grand ordre de saint Benoît l’a restauré. Dom Pothier a fait pour lui ce que dom Guéranger a fait pour la liturgie.

Au reste, en sus de l’authenticité du texte vocal et de la façon de le traduire, il existe encore deux conditions essentielles et qui ne se rencontrent guère que dans les cloîtres, pour restituer la vie spéciale de ces mélodies, c’est d’abord d’avoir la Foi et ensuite de connaître le sens des mots qu’on chante.

— Mais, interrompit Durtal, je ne présume pas que les Bénédictines sachent le latin.

— Pardon, parmi les moniales de saint Benoît, et même parmi les sœurs cloîtrées des autres ordres, il en est un certain nombre qui étudient assez cette langue pour comprendre le bréviaire et les psaumes. C’est un sérieux avantage qu’elles ont sur les maîtrises qui ne sont composées, la plupart, que d’artisans sans instruction et sans piété, que de simples ouvriers de voix.