Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/162

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vu, dans ce bal, les joies du monde, car elle était ensuite enfermée, pour le restant de ses jours, dans le cloître.

— C’est d’une allégresse macabre, fit Durtal ; il dut y avoir autrefois des coutumes monacales et des congrégations bizarres, reprit-il.

— Sans doute, mais cela se perd dans la nuit des temps. Il me revient à la mémoire pourtant qu’au XVe siècle, il existait, sous l’obédience de saint Augustin, un ordre en effet étrange qui s’appelait l’ordre des filles de saint Magloire et habitait, dans la rue Saint-Denys, à Paris. Les conditions d’admission étaient au rebours de celles des autres chartes. La postulante devait jurer sur les saints Evangiles qu’elle avait perdu sa virginité et l’on ne s’en rapportait pas à son serment ; on la visitait et si elle était sage, on la déclarait indigne d’être reçue. On s’assurait également qu’elle ne s’était pas fait déflorer exprès pour pénétrer dans le couvent, mais qu’elle s’était bel et bien livrée à la luxure, avant de venir solliciter l’abri du cloître.

C’était, en somme, une troupe de filles repenties et la règle qui les assujettissait était farouche. On y était fouetté, jeté au cachot, soumis aux jeûnes les plus durs ; à l’ordinaire, on pratiquait la coulpe trois fois par semaine ; on se levait à minuit ; on était surveillé sans relâche, accompagné même aux endroits les plus secrets ; les mortifications y étaient incessantes et la clôture absolue. Je n’ai pas besoin d’ajouter que cette nonnerie est morte.

— Et qu’elle n’est pas près de renaître, s’écria Durtal ; enfin, Monsieur l’abbé, à dimanche, rue Monsieur, n’est-ce pas ?