Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/227

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Quand il eut bouclé sa malle, il se dit, regardant la pendule : à cette heure-ci, demain, je cahoterai dans une voiture et mon internement sera proche ; c’est égal, je ferai bien, en prévision d’une défaillance corporelle, d’appeler, dès mon arrivée, le confesseur ; en supposant que ça s’annonce mal, j’aurai ainsi le temps de parer au nécessaire et je reprendrai aussitôt le train.

N’empêche qu’il y aura tout de même un fichu moment à passer, murmurait-il, en entrant à Notre-Dame-des-Victoires, le soir ; mais ses soucis, ses émois s’effacèrent, quand l’heure du Salut vint. Il fut pris par le vertige de cette église et il se roula, s’immergea, se perdit dans la prière qui montait de toutes les âmes dans le chant qui s’élevait de toutes les bouches et, lorsque l’ostensoir s’avança, en signant l’air, il sentit un immense apaisement descendre en lui.

Et le soir, en se déshabillant, il soupira : demain, je coucherai dans une cellule ; c’est quand même étonnant, lorsqu’on y songe ! Ce que j’aurais traité de fou celui qui m’aurait prédit, il y a quelques années, que je me réfugierais dans une Trappe ! Si encore je m’y rendais de mon plein gré, mais non, j’y vais, poussé par une force inconnue, j’y vais ainsi qu’un chien qu’on fouette !

Au fond, quel symptôme d’un temps ! reprit-il. Il faut que, décidément, la société soit bien immonde, pour que Dieu n’ait plus le droit de se montrer difficile, pour qu’il en soit réduit à ramasser ce qu’il rencontre, à se contenter, pour les ramener à lui, de gens comme moi !