Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/233

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lant des heures alanguies par le malaise prolongé des jeûnes, l’aide naïve des vigiles pieuses. Pour les âmes plus méfiantes de notre époque, la Légende Dorée apparaît au moins encore, telle que l’un de ces purs vélins où de candides enlumineurs peignirent des figures de saintes, à l’eau de gomme ou au blanc d’œuf, sur des fonds d’or. Jacques de Voragine est le Jehan Fouquet, l’André Beauneveu de la miniature littéraire, de la prose mystique !

C’est décidément absurde d’avoir oublié ce volume, car il m’eût fait passer d’anciennes et de précieuses journées à la Trappe !

Oui, c’est bizarre, poursuivit-il, retournant sur ses pas, revenant à sa première idée ; la France compte des auteurs religieux plus ou moins célèbres, mais très peu d’écrivains mystiques proprement dits, et il en est de même aussi pour la peinture. Les vrais Primitifs sont Flamands, Allemands ou Italiens, aucun n’est Français, car notre école Bourguignonne est issue des Flandres.

Non, il n’y a pas à le nier, la complexion de notre race n’est évidemment point ductile à suivre, à expliquer les agissements de Dieu travaillant au centre profond de l’âme, là où est l’ovaire des pensées, la source même des conceptions ; elle est réfractaire à rendre, par la force expressive des mots, le fracas ou le silence de la grâce éclatant dans le domaine ruiné des fautes, inapte à extraire de ce monde secret des œuvres de psychologie, comme celles de sainte Térèse et de saint Jean de la Croix, d’art, comme celles de Voragine ou de la sœur Emmerich.

Outre que notre champ est peu arable et que le sol