Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/237

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homme et, ventre à terre, le cheval fila à travers le village et s’engagea dans la campagne.

Chemin faisant, il demanda au conducteur quelques renseignements sur la Trappe ; mais ce paysan ne savait rien ; — j’y vais souvent, fit-il, mais je n’entre pas ; la carriole reste à la porte ; alors, vous comprenez, je ne saurais pas vous raconter…

Ils galopèrent pendant une heure sur les routes ; puis le paysan salua du fouet un cantonnier et s’adressant à Durtal :

— On dit que les fourmis leur mangent le ventre.

Et comme Durtal réclamait des explications.

— Bé oui, c’est des faignants ; ils sont toujours couchés, l’été, le ventre à l’ombre.

Et il se tut.

Durtal ne pensait plus à rien ; il digérait, en fumant abasourdi par le roulis de la voiture.

Au bout d’une autre heure, ils débouchèrent en plein bois.

— Nous approchons ?

— Oh, pas encore !

— On l’aperçoit de loin la Trappe ?

— Que non ! — il faut avoir le nez dessus pour qu’on la voie ; elle est dans un bas-fond, au sortir d’une allée, tenez, on dirait celle-là, fit le paysan, en montrant un chemin touffu qu’ils allaient prendre.

Et, en v’là un qui en vient, fit-il, en désignant une espèce de vagabond qui coupait, à travers les taillis, à grands pas.

Et il exposa à Durtal que tout mendiant avait le droit de manger et même de coucher à la Trappe ; on lui ser-