Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/250

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que, mais avec un joli sourire qui éclairait la face jaune et grave, creusée de rides.

Il se prêta avec une parfaite bonne grâce à l’enquête de Durtal et raconta qu’après une existence de tempêtes, il s’était senti touché par la grâce et s’était retiré de la vie pour expier, par des années d’austérités et de silence, ses propres fautes et celles des autres.

— Et vous ne vous êtes jamais lassé d’être ici ?

— Jamais depuis cinq années que j’habite ce cloître ; le temps, découpé tel qu’il est à la Trappe, semble court.

— Et vous assistez à tous les exercices de la communauté ?

— Oui ; je remplace seulement le travail manuel par la méditation en cellule ; ma qualité d’oblat me dispenserait cependant, si je le désirais, de me lever à deux heures pour suivre l’office de la nuit, mais c’est une grande joie pour moi que de réciter le magnifique psautier Bénédictin, avant le jour ; mais vous m’ écoutez et ne mangez pas. Voulez-vous me permettre de vous offrir encore un peu de riz ?

— Non, merci ; j’accepterai, si vous le voulez bien, une cuillerée de miel.

Cette nourriture n’est pas mauvaise, reprit-il, mais ce qui me déconcerte un peu, c’est ce goût identique et bizarre qu’ont tous les plats ; ça sent, comment dirai-je…, le graillon ou le suif.

— Ça sent l’huile chaude avec laquelle sont accommodés ces légumes ; oh ! Vous vous y accoutumerez très vite ; dans deux jours, vous ne vous en apercevrez plus.

— Mais en quoi consiste, au juste, le rôle de l’oblat ?