Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/255

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Il dévisagea les moines blancs installés dans la partie de la rotonde qu’il pouvait voir et il reconnut parmi eux le P. Etienne à genoux près d’un moine court ; mais un autre, placé au bout des stalles près du porche, presque en face de l’autel et en pleine clarté, le retint.

Celui-là était svelte et nerveux et il ressemblait dans son burnous blanc à un arabe. Durtal ne l’apercevait que de profil et il distinguait une longue barbe grise, un crâne ras, ceint de la couronne monastique, un front haut et un nez en bec d’aigle. Il avait grand air avec son visage impérieux et son corps élégant qui ondulait sous la coule.

C’est probablement l’abbé de la Trappe, se dit Durtal, et il ne douta plus lorsque ce moine tira une cliquette dissimulée devant lui sous son pupitre et dirigea l’office.

Tous les moines saluèrent l’autel ; l’abbé récita les prières du prélude, puis il y eut une pause — et, de l’autre côté de la rotonde, là où Durtal ne pouvait regarder, une voix frêle de vieillard, une voix revenue au cristal de l’enfance, mais avec en plus quelque chose de doucement fêlé, s’éleva, montant à mesure que se déroulait l’antienne :

« Deus in adjutorium meum intende. »

Et l’autre côté du chœur, là où se tenaient le P. Etienne et l’abbé, répondit, scandant très lentement les syllabes, avec des voix de basse-taille.

« Domine ad adjuvandum me festina. »

Et tous courbèrent la tête sur les in-folios posés devant eux et reprirent :

« Gloria Patri et Filio et Spiritui sancto. »