Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/259

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tes chantèrent ces doux et pressants appels ; les neumes se prolongeaient sur les O qui passaient par toutes les couleurs de l’âme, par tout le registre des sons ; et ces interjections résumaient encore, dans cette série de notes qui les enrobait, le recensement de l’âme humaine que récapitulait déjà le corps entier de l’hymne.

Et brusquement, sur le mot Maria, sur le cri glorieux du nom, le chant tomba, les cierges s’éteignirent, les moines s’affaissèrent sur leurs genoux ; un silence de mort plana sur la chapelle. Et, lentement, les cloches tintèrent et l’Angelus effeuilla, sous les voûtes, les pétales espacés de ses sons blancs.

Tous, maintenant prosternés, le visage dans les mains, priaient et cela dura longtemps ; enfin le bruit de la cliquette retentit ; tout le monde se leva, salua l’autel et, en une muette théorie, les moines disparurent par la porte percée dans la rotonde.

– Ah ! le véritable créateur de la musique plane, l’auteur inconnu qui a jeté dans le cerveau de l’homme la semence du plain-chant, c’est le Saint-Esprit, se dit Durtal, malade, ébloui, les yeux en larmes.

M. Bruno qu’il n’avait pas aperçu dans la chapelle vint le rejoindre. Ils traversèrent, sans parler, la cour, et quand ils furent rentrés dans l’hôtellerie, M. Bruno alluma deux bougeoirs, en remit un à Durtal et gravement lui dit :

– Je vous souhaite une bonne nuit, monsieur.

Durtal grimpa l’escalier derrière lui. Ils se resaluèrent sur le palier et Durtal pénétra dans sa cellule.

Le vent soufflait sous la porte et la pièce, à peine éclairée