Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/263

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore cette impression d’une ombre s’évaporant à temps pour qu’on ne puisse la saisir dans les draps et il interrogea sa montre. Il était deux heures.

Si cela continue, je serai brisé demain, se dit-il ; il parvint tant bien que mal, en somnolant et en se détirant toutes les dix minutes, à atteindre trois heures.

Si je me rendors, je ne me réveillerai pas au moment voulu, pensa-t-il ; si je me levais ?

Et il sauta en bas du lit, s’habilla, pria, mit de l’ordre dans ses affaires.

D’authentiques excès l’eussent moins abattu que cette fausse équipée, mais ce qui lui semblait surtout odieux, c’était l’inassouvissement que laissait le viol terminé de ces larves. Comparées à leurs avides manigances, les caresses de la femme n’épandaient qu’une volupté tempérée, n’aboutissaient qu’à un faible choc ; seulement dans le succubat l’on restait enragé de n’avoir étreint que le vide, d’avoir été la dupe d’un mensonge, le jouet d’une apparence dont on ne se rappelait même plus les contours et les traits. On en arrivait forcément à désirer de la chair, à souhaiter de presser contre soi un véritable corps et Durtal se mit à songer à Florence ; elle vous désaltérait au moins, ne vous quittait pas ainsi, pantelant et fiévreux, en quête d’on ne savait quoi, dans une atmosphère où l’on était environné, épié, par un inconnu qu’on ne pouvait discerner, par un simulacre que l’on ne pouvait fuir.

Puis Durtal se secoua, voulut repousser l’assaut de ces souvenirs. Je vais toujours, se dit-il, aller respirer de l’air frais et fumer une cigarette, nous verrons après.

Il descendit l’escalier dont les murs paraissaient ne