Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/279

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rent la main, puis l’oblat lui annonça la présence d’un nouveau convive.

— Un retraitant ?

— Non, un vicaire des environs de Lyon ; il reste un jour seulement ; il est venu visiter l’abbé qui est malade.

— Je croyais d’abord que l’abbé de Notre-Dame de l’Atre était ce grand moine qui conduit l’office…

— Mais non, c’est le prieur, le P. Maximin ; quant à l’abbé, vous ne l’avez pas vu et je doute que vous puissiez le voir, car il ne sortira sans doute pas de son lit avant votre départ.

Ils arrivèrent à l’hôtellerie, trouvèrent le P. Étienne s’excusant, auprès d’un prêtre gros et court, de l’indigent régal qu’il apportait.

Ce prêtre aux traits forts, modelés dans de la graisse jaune, était hilare.

Il plaisanta M. Bruno qu’il semblait connaître de longue date sur le péché de gourmandise qui devait se commettre si fréquemment dans les Trappes, puis il huma, en simulant des gloussements d’allégresse, l’inodore bouquet du pauvre vin qu’il se versa ; enfin lorsqu’il divisa avec une cuiller l’omelette qui composait le plat de résistance du dîner, il feignit de découper un poulet, s’extasiant sur la belle apparence de la chair, disant à Durtal : je vous affirme, Monsieur, que c’est un poulet de grain ; oserai-je vous offrir une aile ?

Ce genre de plaisanterie exaspérait Durtal qui n’avait avec cela aucune envie de rire, ce jour-là ; aussi se borna-t-il à répondre par un vague salut, tout en souhaitant à part lui que la fin du repas fût proche.