Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/281

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Il se décida pour la Bienheureuse. Elle avait péché, s’était convertie, elle lui semblait moins loin de lui, plus compréhensible, plus secourable que le Docteur Séraphique, que le Saint toujours demeuré pur, à l’abri des chutes.

N’avait-elle pas été, elle aussi, une scélérate charnelle, n’était-elle pas également arrivée de bien loin vers le Sauveur ?

Mariée, elle pratique l’adultère et elle se dévergonde ; les amants se succèdent et, quand ils sont taris, elle les rejette comme des écales. Soudain la grâce fermente en elle et lui fait éclater l’âme ; elle va se confesser, n’ose avouer les plus véhéments de ses péchés au prêtre, et elle communie, greffant ainsi le sacrilège sur ses autres fautes.

Elle vit, jours et nuits, torturée par le remords, finit par supplier saint François d’Assise de la sauver. Et, la nuit suivante, le saint lui apparaît : — Ma sœur, dit-il, si vous m’aviez appelé plus tôt, je vous aurais exaucée déjà. — Le lendemain, elle se rend à l’église, écoute un prêtre qui parle en chaire, comprend que c’est à celui-là qu’elle doit s’adresser et elle s’ouvre pleinement, se confesse entièrement à lui.

Alors commencent les épreuves d’une vie purgative atroce. Elle perd, coup sur coup, sa mère, son mari, ses enfants ; elle subit des tentations charnelles si violentes qu’elle en est réduite à saisir des charbons allumés et à cautériser par le feu la plaie même de ses sens.

Pendant deux années, le démon la tisonne. Elle distribue ses biens aux pauvres, revêt l’habit du tiers-ordre de saint François, recueille les malades et les infirmes, mendie dans la rue pour eux.