Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/283

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passe son temps à réconforter cette humble que ses bienfaits accablent ; et elle est pourtant avec cela la plus amoureuse des saintes ! son œuvre est une série de libations spirituelles et de caresses ; il semble qu’à côté d’elle, les volumes des autres mystiques charbonnent tant le foyer de ce livre est vif !

Ah ! se disait Durtal, en feuilletant ces pages, c’est bien le Christ de saint François, le Dieu de miséricorde qui parle à cette franciscaine ! — et il reprenait : cela devrait me donner du courage, car enfin Angèle de Foligno a péché autant que moi et toutes ses fautes lui furent cependant remises ! oui, mais aussi, quelle âme elle avait, tandis que la mienne n’est bonne à rien ; au lieu d’aimer, elle raisonne ! Il est juste de noter pourtant que la Bienheureuse était dans de meilleures conditions que moi pour se rédimer. Elle vivait au XIIIe siècle, avait moins de chemin à faire pour aborder Dieu, car depuis le Moyen Age, chaque siècle nous éloigne de Lui davantage ! elle vivait dans un temps plein de miracles et qui regorgeait de Saints et, moi, je vis à Paris, à une époque où les miracles sont rares, où les Saints ne foisonnent guère. — Puis, une fois parti d’ici, je vais m’amollir, me diluer encore dans l’infâme étuvée, dans le bain de péchés des villes, quelle perspective !

À propos… il regarda sa montre et tressauta ; il était deux heures — j’ai manqué l’office de None, se dit-il ; décidément, il faut que je simplifie l’horaire compliqué de ma pancarte, sans cela je ne m’y reconnaîtrai jamais : et il le traça en effet, en quelques lignes :

Matin — Lever à 4 heures ou plutôt à 3 heures 1/2 —